Que connait-on vraiment ?

Pour cette question, c’est Platon qui nous rapporte ce dialogue avec, Alcibiade, aspirant à quelques hautes fonctions et ce dernier avoue avoir le « tourni » en entendant Socrate parler. « Mais par les dieux, Socrate, je ne sais plus ce que je dis, mais il me semble avoir un comportement absolument étrange. Car quand tu m’interroges, tantôt je crois dire une chose, tantôt une autre. »

Le dialogue commence avec Alcibiade qui pense pouvoir s’imaginer savoir sur des sujets qu’il ignore ; Alcibiade souhaite développer une pré-connaissance des choses. Oui d’accord mais quand on veut agir dans le monde, il faut mieux être sûr de son coup…

Socrate

— Par exemple les préparations culinaires, tu sais que c’est quelque chose que tu ne connais pas ?

Alcibiade

— Hé Absolument.

Socrate

— Mais est-ce que, touchant cela, tu as ton jugement personnel sur la façon dont ces préparations doivent se faire, et ton jugement est-il flottant ? Ou bien t’en remets-tu à celui qui sait ?

Alcibiade

— C’est ainsi que je fais.

Socrate de donner un autre exemple sur la conduite d’un bateau et de conclure :

Socrate

— par conséquent touchant les choses que tu ne sais pas, chez toi, point de flottement (tu ne t’égares pas), n’est-ce pas, pourvu seulement que tu saches ne pas les savoir

Pour l’action politique et on pourrait dire pour tout question fondamentale qui implique une action on est dans le même registre…

Socrate

— Lorsque je suppose, nous projetons quelque entreprise, n’est-ce pas quand nous croyons connaître ce que nous entreprenons ?

Alcibiade

— Oui.

Socrate

— Mais en vérité, quand, je pense, on ne croit pas la connaître, on confie à d’autres l’entreprise ?

Alcibiade

— comment ne le ferait-on pas ?

Socrate

— Or les gens qui, parmi ceux qui ne savent pas, sont ainsi faits, vivent sans commettre de fautes parce que là dessus, ils s’en remettent à d’autres.

Alcibiade

— Oui.

Donc en définitive la grande question qui sont ceux qui savent et qui sont ceux qui ne savent rien ?

Socrate

— Alors quels sont ceux qui commettent des fautes ? Sans doute n’est-ce pas, effectivement, ceux au moins qui savent ?

Alcibiade

— Non certes !

Socrate

— Or puisque ces gens-là ne sont, ni ceux qui savent, ni, parmi ceux qui ne savent pas, ceux qui savent qu’ils ne savent pas (a) en reste t-il d’autres que ceux qui ne savent pas mais qui s’imaginent savoir ?

Sans commentaire, si ce n’est une reprise de cette question en chanson, mais si… « Maintenant je sais » de Jean Dabadie et Philippe Green (1974)

Guy Labarraque

Sources :

Platon, Alcibiade, Bibliothèque La Pléiade, Paris, 1950, page 223 à 224 (traduction et note de  Léon Robin et M.-J. Moreau).