On a toujours du mal à distinguer ces deux notions parce qu’elles ont des origines différentes. Si l’une vient du grec (éthique), l’autre vient du latin (morale); est-ce à dire que ce peut être des termes interchangeables ?
Sans doute pas et c’est ce que j’aimerais mettre en valeur en soulignant en même temps l’interaction qu’il y a entre les deux.
Au fond la grande différence recoupe la différence qu’on a entre ce qui est « estimé bon » (l’éthique) et ce qui « s’impose comme obligatoire » (la morale). Pour préciser les choses on pourrait dire que l’éthique s’occupe de ce qui tend au bien et la morale ce qui, à une époque précise, s’avère être bien.
Spinoza (1632 – 1677) considérait tant l’éthique que la morale comme conduisant au bon, au juste ou au bien (que les philosophes spécialistes de la morale me pardonnent l’amalgame de ces trois notions qui, évidemment en philo, se nuancent…), mais l’une par l’obéissance (la morale) et l’autre par la raison (l’éthique).
Dans une appropriation moderne de cette nuance on pourrait dire que si la morale sert à qualifier les rapports de soi aux autres, l’éthique servirait à qualifier les rapports de soi à soi. La morale a cette idée d’extériorité et de valeur universelle et l’éthique celle de l’intériorité et de valeur personnelle.
Si dans notre réflexion, il importe de relier toujours les deux, l’histoire nous a montré qu’elles peuvent s’opposer et qu’il, est souhaitable qu’elles le soient parfois. Je fais référence évidemment aux états totalitaires qui ont une notion bien particulière de l’universel puisqu’ils le définissent en excluant telle ou telle partie de l’humanité et qui pour cette raison (mais pas seulement) entrent en conflit avec les conceptions des individus au sujet de ce qui est bien ou mal pour eux. Raison pour laquelle, je trouve intéressante l’idée d’avoir dans sa « besace » en permanence cette question existentielle : « et toi qu’en dis-tu ? » Question qu’on peut poser aux autres évidemment, mais aussi pour soi…
C’est une question qu’on a posé en tout cas un jour à Jésus à un moment où on lui amenait une femme reconnue comme adultérine et que la loi, l’usage commun, la morale du temps, condamnait à la lapidation.
Evangile de Jean 8,4b « « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. 05 Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? (…) » 07 Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. »»
On le voit, Jésus dans sa réponse, repositionne la morale « pour tous » à la mesure des valeurs de chacun, les siennes en tout premier lieu et par analogie, évidemment celles de ses interlocuteurs.
Guy Labarraque
Sources :
- Beauvais, M. (2008), « Accompagner, c’est juger », in Education Permanente n°175, pp 123-135.
- Cornu, D. (1997), Ethique de l’information, Paris, Puf.
- Ricoeur, P. (1990), Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, p.200.