Belle épine

Synopsis

réalisateur : Rebecca Zlotowski
scénario : Rebecca Zlotowski, Gaëlle Macé
image : George Lechaptois
son : Mathieu Descamps
montage : Julien Lacheray
décors : Antoine Platteau
musique : ROB

Le film

Une jeune femme déboussolée par la mort de sa mère se laisse entrainer par une copine frondeuse et proche de quelque motards « limites » de Rungis pour qui, la poignée est soi on soit of avec Burning, weeling, vitesse et mort à la clef.

Sans doute parce qu’il n’existe plus aujourd’hui de quoi aider les individus dans notre société à tourner la page ou donner un sens à sa vie et que ce qui peut être proposé n’est plus reconnu ou vu comme complètement ringard. On va loin pour essayer d’exister en groupe, pour dire qu’on « nous » doit le respect, et de ce point de vue là les adolescents sont les premiers concernés

Le personnage de Prudence (Léa Seydoux) incarne l’adolescent qui ne cessent de vivre dans un monde de paradoxes qu’il ne peut au fond pas accepter. C’est là dans le rapport entre dépendance au parents et loyauté aux copains et plus précisément ici dans ce film avec une immense solitude qu’on fait passer pour de la liberté.

Dans Belle Epine, les nuits sont fascinantes alors que le jour est morne et sans charme. La nuit, les garçons s’affairent autour de leurs roadsters et le jour, ils sont dans le métro dans l’anonymat de la foule à regarder un monde qui ne passe pas… Tant de réel et d’irréel entremêlé fait de ce film une réussite entre le cinéma d’auteur, et le cinéma de genre, celui de l’imaginaire.

Guy Labarraque

Rebecca Zlotowski

De nationalité française. Né en 1980 à Paris (France).
Belle épine est son premier film en tant que réalisatrice.

Les adolescents et les rites

L’objectif de cet article essaye de cerner, du point de vue des adolescents, ce que peut bien signifier le rite pour eux compte tenu du fait qu’il ne peuvent plus se reposer sur ceux que proposent la société mais sur ce que la société promeut avec vigueur, à savoir ; la consommation.

Le rite au gré de la consommation

Parce qu’elle procure du nouveau en permanence et que de ce fait elle peut prétendre à faire de celui qui s’y plie d’être chaque jour nouveau, la société de consommation parle :

« Ma rencontre avec le piercing, c’est pour avoir une boucle d’oreille ailleurs que sur le lobe des oreilles. Pourquoi ? J’en sais rien. J’ai voulu ça parce que c’était la mode. Ouai. j’ai voulu quelque chose de différent. » (Claire 18 ans)

Soumis au nouveau, mais soumis aussi au momentanée, à l’instant ; d’où les changements radicaux qu’on peut percevoir chez un jeune. S’il y a une constance, une continuité avec ces changements, on la trouve dans la séparation d’avec les parents

« Ras-l’cul des vieux, j’en ai ma claque, pour moi c’est mes potes, un point c’est tout ! Ils peuvent me demander n’importe quoi, je le fais. » (Eric 17 ans)

On veut briser la dépendance aux parents, c’est une constante pour mettre en avant la loyauté au groupe, ce que les premiers ont du mal à accepter, et on peut le comprendre… Il n’empêche que les difficultés ne sont pas écartées pour autant, elles sont simplement autres puisqu’on passe d’une tyrannie à une autre ; celle des pères à celle des pairs… Indéniablement difficile à vivre mais qu’importe puisqu’elle est choisie.

Un prospect (candidat pour être du groupe) des Hells Angel témoigne :

« Ben ouai ils m’ont réveillé en pleine nuit, je devais me rendre à la Place de la Rippone pour aller faire une mission. Je savais pas quoi, mais j’y suis aller. C’est tout, où tu veux faire partie du MC (Moto Club alliant la Harley et une idéologie très « à droite »…) ou tu veux pas en faire partie. C’est une question de choix. » (Benjamin, 20 ans)

Braconner un peu de sens

Les épreuves subies,celles-ci comme de multiples autres,  ne relèvent plus de notions classiques, ce sont de véritables rites parallèle, Le Breton (2007) les nomme « de contrebande » (Le Breton, 2007) comme pour montrer que les jeunes braconnent ici ou là du sens. Ces rites ne reposant pas sur des cérémonies établies, mais au contraire, sur une invention cohérente au regard d’une histoire personnelle.

« C’est ma marque personnelle, à moi… Personne ne sera comme moi alors comme j’ai pas envie d’être comme les autres, voilà pourquoi je fais ça » (Johann, 21 ans)

De l’identité par le corps pour être ce qu’on montre à l’autre, ces rites impliquent des heurts avec les autres, avec le monde ; la souffrance et la mort font partie du jeu…

L’existence ne se satisfait plus à partir de l’institué mais de l’instituant… En terme de définition de ce que sont ces rites, on peut dire qu’il s’agit moins, pour les jeunes de passer d’une classe d’âge à une autre que de passer de la souffrance subie, d’être soi à un soi qui, pour naître, se doit de souffrir. Il n’y a rien de plus problématique que le vie qui se donne… Non il faut se la donner.

Toujours recommencer…

Le risque de ces nouvelles ritualités, c’est que ce n’est jamais fini… Il faut être à la hauteur, toujours à la hauteur. Ainsi de l’impératif de montrer son courage aux autres au risque d’être le bouffon de service, est ce qui le plus redouté par tous. Exemple ; les soirées qui se répètent chaque samedi après la semaine de travail où il faut toujours démontrer sa résistance à la boisson ou son aisance à défier l’autorité.

Solitaires, les épreuves s’imposent dans un contexte de « déliaison sociale » réelle ou vécue comme telle. Le changement créé par l’épreuve n’est pas transmissible aux autres et ne s’inscrit dans aucune mémoire collective. Dans une vie dans laquelle il faut à chaque fois « se » donner sa marque personnelle (personnel branding), il faudra à nouveau « se » mettre en danger parce que le rite n’ôte pas la souffrance de la vie, il la contient jusqu’au prochain appel.

« Ces épreuves sont des rites intimes, privés, autoréférentiels, méconnus, détachés de toutes croyance et tournant le dos à une société qui cherche à les prévenir. » (Le Breton, 2008) Il est clair que si nos sociétés parvenaient à jalonner le parcours de vie des jeunes avec plus de solidité et de pertinence, elles ne seraient pas confrontées à cette masse de désespérance et d’incompréhension. Mais le peuvent-elles ?

Guy Labarraque

Sources :

Bauman Z. (2010), « l’amour liquide n’a que des agréments » Philosophie, Mars 2010, p. 58-63.

Le Breton D. (2007), En souffrance : adolescence et entrée dans la vie, Paris, Métaillé.

Le Breton D. (2008), « Rites de contrebande d’une jeunesse contemporaine», in La marque Jeune, Gonseth M.-O., Laville Y, & Mayor G. Neuchâtel, MEN, 2008, 146-151.

Zittoun T. (2008), « Tolstoï, la Bible et André the Giant : les ressources que les jeunes se donnent », in La marque Jeune, Gonseth M.-O., Laville Y, & Mayor G. Neuchâtel, MEN, 2008, p.174-175.

le « passage » des adolescents dans une société liquide

Du liquide comme « solide »

Toujours à changer…

Un jour c’est comme ça et puis un autre c’est comme ci…

Toujours le même constat sur les jeunes avec toujours les mêmes mots : lunatiques, inconsistants, changeants, « réversibles et impermanents » (Wyn et White, cités par Zittoun, 2008), bref jamais les mêmes…

Les causes ?

Soulignons-en deux, mais qui peuvent n’en faire qu’une.

  1. L’adolescence : une notion récente et « socialement construite ».

C’est ce que disent les observateurs en voyant se placer une « zone » entre la fin de la scolarité et le travail. Avant on passait de l’état d’enfance à celui de travailleur, maintenant on va au lycée ou au gymnase et on étudie pour être mieux à même d’affronter le monde, dit-on… Seulement cette vie entre deux, est loin d’être évidente qu’un adage moderne pourrait bien résumer : « tais-toi quand tu parles »… Encore enfant (celui qui ne s’exprime pas) et surtout pas adulte (celui qui a finit sa croissance).

2. La société bouge et est socialement déconstruite !

Qu’une société bouge ce n’est pas nouveau, mais qu’en revanche, les « problèmes dans la société croît à mesure qu’elle évolue. » (Bauman, Z., 2010), c’est assez nouveau. Pas d’évolution sans nouveaux problèmes en quelque sorte, à tel point qu’on a fini par dire de la société, à force de bouger tellement, qu’elle est « liquide » voire liquidé. C’est peut-être l’autre raison qui expliquerait le pourquoi de cette jeunesse si difficile à saisir.

Société liquide ?

N’ayons pas peur des mots, car c’est un peu ça… Prenons, ce qui dans le tissu social, permet d’accompagner l’évolution du jeune, le passage d’un état à un autre (par exemple de l’écolier à l’apprenti). Aucun de ces « rites de passage » ne fait sens pour tous les autres ; les vies sont tellement différentes et les chemins tellement personnelle… Le premier verre à 16 ans est une rigolade, les rôles que jouaient les sociétés de tir, les pompiers, la fanfare du village sont devenus de l’exotisme, voire du folklore, quant aux étapes religieuses… Qu’entendez-vous par là exactement ?

L’absence de « significations partagées » de ces liens aboutit aujourd’hui à « une privatisation des processus de construction de sens » (Zittoun, 2008).

Qu’est-ce qu’un rite pour un adolescents?

Quels conséquences ? L’adolescent devient, à défaut d’une autorité sociale, l’auteur de lui-même de ce qu’il met en place. Il se met au monde lui-même, il se créé et finalement ne s’autorise que lui-même (Le Breton, 2008).

Les « transitions » ont lieu alors que les jeunes accèdent à une « responsabilité symbolique » ; c’est à dire au moment où dans leur environnement les jeunes apparaissent comme responsables de ce qu’ils lisent, de la manière dont ils s’habillent, des films qu’ils vont voir, de la musique qu’ils écoutent, bref de ce qu’ils retiennent comme pertinent pour eux.

C’est au lycée en générale au contact des autres que cette responsabilité symbolique surgit.

Guy Labarraque

Sources :

Bauman Z. (2010), « l’amour liquide n’a que des agréments » Philosophie, Mars 2010, p. 58-63.

Le Breton D. (2008), « Rites de contrebande d’une jeunesse contemporaine», in La marque Jeune, Gonseth M.-O., Laville Y, & Mayor G. Neuchâtel, MEN, 2008, 146-151.

Zittoun T. (2008), « Tolstoï, la Bible et André the Giant : les ressources que les jeunes se donnent », in La marque Jeune, Gonseth M.-O., Laville Y, & Mayor G. Neuchâtel, MEN, 2008, p.174-175.